Retour sur la genèse du plus grand album de tous les temps qui fête ce 30 novembre son trente-sixième anniversaire…
1. L’album a longtemps failli s’intituler Midnight Man. Chargé par le producteur Quincy Jones de trouver un titre, le compositeur et parolier Rod Temperton proposera cette idée avant de faire machine arrière lorsqu’un matin, il se réveilla avec le mot « Thriller » en tête.
2. Bien que son essai précédent essai Off The Wall sorti trois ans plus tôt soit déjà considéré comme une grande réussite, le résultat n’a pas satisfait Michael Jackson. Voulant créer à tout prix « l’album le plus vendu de l’histoire », il prit pour modèle les suites de Tchaïkovski et s’astreignit à faire de chacune de pistes « une tuerie ».
Au final, sept des neufs morceaux de Thriller sont sortis en single un an durant !
3. Les musiciens du groupe Toto ont joué un rôle central dans la conception de Thriller.
Tout juste sortis du carton Toto IV (5 millions de copies écoulées sur le sol US, les singles Africa et Rosanna…), David Paich (piano), Steve Lukather (guitare), Jeff Porcaro (batterie) et Steve Porcaro (synthétiseur) ont ainsi été de toutes les sessions studios ou presque.
Si leur contribution est curieusement oubliée aujourd’hui, ils sont toutefois crédités sur six des neufs pistes : The Girl Is Mine, Thriller, Beat It (le riff de guitare est de Lukather), Baby Be Mine, Human Nature (les paroles sont de Porcaro) et The Lady in My Life.
4. Avant de commencer l’enregistrement de Thriller, Michael leur a laissé comme ses consignes de « penser comme Michel-ange lorsqu’il a peint la Chapelle Sixtine ».
« À vous de faire de ce qu’il faut pour y arriver, le ciel est la seule limite. »
5. Première chanson enregistrée de l’album, son duo The Girl Is Mine au côté de l’ex-Beattle Paul McCartney sera également la première chanson à sortir en single. Ce choix ne doit rien au hasard : il s’agissait pour Michael de s’assurer d’engranger un maximum de passages radios.
6. Il était prévu que Thriller propose un duo entre Freddie Mercury et Michael Jackson. Les deux hommes ont d’ailleurs commencé à travailler ensemble sur plusieurs titres lors de l’été 1982 (dont There Must Be More to Life Than This, rendu public il y a quelques années), mais le chanteur des Queens finira par en avoir ras la casquette.
Motif ? Michael enregistrait en studio accompagné d’un lama.
7. De nombreux backs ont été enregistrés dans les toilettes des studios Westlake Recording de Los Angeles, et ce, en raison de l’acoustique toute particulière de la pièce.
8. Michael Jackson a enregistré toutes ses parties chantées dans l’obscurité. D’après son ingénieur du son Bruce Swedien, il s’agissait de réduire son sens de la vue afin d’optimiser au maximum son ouïe.
9. John Landis a été engagé pour réaliser le clip de Thriller après que Michael ait vu son film Le Loup-garou de Londres. Jackson lui laissera comme seule consigne le souhait de devoir « se transformer en monstre ».
Les deux hommes se disputeront par la suite pour des questions de royautés avant de se réconcilier et de tourner ensemble le clip de Black or White en 1991.
10. L’iconique veste en cuir rouge que porte Michael dans le clip de Thriller a été conçue par sa femme Deborah Landis. Il n’en existe que deux dans le monde, l’une d’entre elle a été vendue aux enchères pour 1,8 millions de dollars en 2011.
11. CBS et MTV ont dans un premier temps refusé de débourser les 500 000 dollars nécessaires pour mener à bien ce projet.
C’est alors que le producteur George Folsey Jr. a eu l’idée de tourner à moindre frais un making-of de 45 minutes et de le vendre à MTV pour 250 000 dollars, réduisant ainsi de moitié le coût du tournage pour CBS.
12. Le premier rôle féminin du clip de Thriller est tenu par une playmate. Suite au désistement de l’actrice Jennifer Beals (Flashdance), le rôle a échoué à Ola Ray, Miss Juin chez Playboy en 1980.
Ray avait été auparavant aperçu dans le clip Give Me the Night de George Benson… un single déjà écrit par Rod Temperton et produit par Quincy Jones.
13. Auteur du couplet d’outre-tombe qui clôt le morceau Thriller, l’acteur américain de films d’horreur Vincent Price n’aurait reçu en tout et pour tout que 1 000 petits dollars de rémunération pour sa performance.
Devant le succès remporté par le single et l’album, il tentera de renégocier son cachet. Jackson n’aurait alors selon lui jamais retourné ses coups de téléphone.
14. Michael Jackson a pompé de manière un peu trop évidente à Manu Dibango sur Wanne Be Startin’ Somethin’.
En 1972 le musicien camerounais avait en effet enregistré Soul Makossa (un morceau considéré par beaucoup comme le précurseur de la vague disco) dans lequel il chantait « ma ma ko/ma ma sa/ma ko ma ko sa », un gimmick qui dérive du mot douala « makossa » (littéralement « danse », mais aussi par extension le nom d’un courant musical).
Du coup, lorsque Jackson l’a transformé en « ma ma se/ma ma sa/ma ma ku sa », il s’est vu poursuivi en justice par Dibango en 1986. Les deux parties finiront par conclure un accord hors tribunaux.
15. Histoire d’accentuer la crédibilité du clip de Beat It dans lequel deux bandes rivales affrontent, la plupart des figurants ont été castés dans les rangs des gangs des Bloods et des Crips.
16. Si MTV a accepté de diffuser le clip de Billie Jean, c’est non sans pression de la part de CBS Records qui a menacé la chaîne de retirer toutes les vidéos de ses artistes si le single n’était pas joué. Prenant à l’époque le prétexte d’être une radio rock, MTV ne proposait alors aucun artiste noir en rotation, ce qui lui valait régulièrement d’être accusée de racisme.
La chaîne attendra cependant que Billie Jean atteigne la première place des charts pour diffuser autrement qu’en catimini le clip.
17. Contacté par Quincy Jones pour improviser le fameux solo de guitare sur Beat It, Eddie Van Halen (du groupe rock Van Halen) n’a réclamé aucune forme de rémunération en retour, si ce n’est que « Michael lui donne peut-être un jour des cours de danse ».
Histoire de ne pas provoquer l’ire de ses camarades, il attendu que ces derniers ne soient plus en ville pour aller en studio.
18. Thriller aurait-il connu le même succès sans ce solo de guitare ? Certes, l’album a beau incorporer des influences pop, funk, disco et r&b afin de satisfaire tous les publics, c’est bien ce solo qui a ouvert les portes des « radios blanches » à Jackson.
19. Si la légende veut jusqu’à aujourd’hui encore que les paroles de Billie Jean soient inspirées d’une vraie groupie qui un jour aurait grimpé au mur de sa chambre pour accuser Michael d’être le père de son enfant, dans son autobiographie Moonwalk publiée en 1988 le chanteur a toutefois écrit qu’il s’agissait d’un personnage de fiction créé à partir de différents profils.
20. C’est en interprétant Billie Jean lors de l’émission de télévision Motown 25: Yesterday, Today, Forever le 16 mai 1983 que Michael exécuta pour la première fois le Moonwalk.
Mécontent cependant d’avoir « raté » sa sortie en tournant sur lui-même, sitôt en coulisses, il s’effondra en larmes.
21. C’est également sur cette même scène qu’il arbora pour la première fois son célèbre gant blanc, à l’époque un gant de golf customisé.
22. Human Nature a été la toute dernière chanson ajoutée à la tracklist finale, coiffant sur le fil le slow jam Carousel.
23. Si évidemment personne ne minimise ou ne remet en cause l’immense talent de Michael Jackson, une telle réussite n’aurait jamais été possible sans qu’il se fonde dans un collectif.
Ou pour citer Quincy Jones : « Michael n’a pas créé Thriller. Pour faire un album, il faut toute une équipe. Il a écrit quatre chansons, il a chanté divinement bien, mais il n’a pas créé Thriller – ce n’est pas comme ça qu’un album se fait. »
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