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Ce jour où… ASAP Rocky a signé un deal à 3 millions de dollars

le 4 février 2018

Ce jour où… ASAP Rocky a signé un deal à 3 millions de dollars

Avec la série « Ce jour où… » Booska-P revient sur ces anecdotes qui ont marqué l’histoire du rap. Aujourd’hui place à ce jour de 2011 où Flacko a décroché la timbale…

Au début des années 10, le hip hop newyorkais est des plus moribonds. Mecque historique du mouvement, ses têtes d’affiche ne sont plus, tandis que les sonorités sudistes se sont depuis plusieurs saisons déjà imposées comme le mètre-étalon de la culture rap.

C’est au milieu de ce champ de ruines qu’en juillet 2011, le morceau d’un nouveau venu commence à attiser la curiosité des uns et des autres. Ce morceau, c’est Purple Swag d’un certain A$AP Rocky.

Instrumentale lancinante, influence chopped & screwed houstonienne, rimes codéinées… en 2 minutes 30 à peine est remisé aux oubliettes ce dogme longtemps considéré comme indéboulonnable qui veut que les emcees se doivent d’adopter le style de rap de leur lieu de vie.

Bien qu’enfant d’Harlem, du haut de ses 23 ans le jeune Rakim Mayers n’en a cure. S’il s’inspire des gloires locales comme les Diplomats, il puise également sans complexe chez les UGK, Bone Thugs-n-Harmony et Three 6 Mafia. Une hérésie.

Quand sort ensuite le clip de Purple Swag qui s’ouvre sur une white girl qui grillz dans la bouche balance du N-word sans pression et se poursuit dans un salon où le lean coule à flow, l’incompréhension monte encore d’un cran chez les gardiens du temple.

Le buzz lui se fait grandissant. Purple Swag sonne frais, Purple Swag sonne neuf, Purple Swag sonne comme personne.

« This is the way it goes, this is the way we roll »

Au mois d’août suivant, nouveau tour de force avec Peso. La formule est la même à ceci près que cette fois-ci, Rocky qui travaillait il y a encore peu comme vendeur de fringues, confesse au passage son amour immodéré des marques designer au détour d’un « Raf Simons, Rick Owens usually what I’m dressed in ».

Le visuel enfonce là encore le clou. Mélange du My Hood de Cam’ron et du Ha de Juvenile, il voit le rappeur porter bandana façon Hot Boys, lunettes rondes dorées à la Master P, le tout chaussé d’Adidas Jeremy Scott.

« I be that pretty motherfucker » devient le gimmick incontournable de l’été et Peso commence à tourner sur la radio locale New-York Hot 97.

Les rappeurs Tumblr

Si musicalement A$AP Rocky redistribue les cartes, un autre facteur joue pour beaucoup dans cet engouement : le tumblr RealNiggaTumblr de son coéquipier A$AP Yams.

Tête pensante du collectif A$AP Mob, Yams se sert de cette page créée en quelques minutes pour en faire la vitrine du crew. Loin d’être un simple fil d’actualité, elle agrège différentes informations et photos sur le monde du rap passé et présent, mais aussi sur le monde de l’art ou de la mode.

Fort d’une audience très vite grandissante (Tumblr était alors le réseau social le plus hype du moment), RealNiggaTumblr permet de façonner l’identité de Rocky et ses potes aux yeux du public tout en attirant les curieux de tous bords.

Très logiquement, ce n’était donc qu’une question de temps avant que ne s’aiguisent les appétits des maisons de disques. Ces dernières se lancent alors dans une guerre d’enchères.

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3 000 000 !

Si initialement A$AP Rocky avait fait part de son souhait de rester indépendant, c’est à la surprise générale qu’il annonce le 14 octobre avoir signé un deal chez Polo Grounds Music, un label affilié au mastodonte Sony/RCA.

Quand lui est demandé ce qui l’a poussé à s’engager si rapidement en major, sa réponse se fait limpide : « Trois millions de dollars ».

« Je vais avoir un contrôle artistique total, il n’y a aucune embrouille. C’est presque irréaliste. Je veux dire il y a cinq mois à peine, j’avais environ 3 000 dollars sur mon compte en banque. Désormais, je vaux trois millions. Depuis 50 Cent personne n’a signé ce genre de deal. »

Même son de cloche du côté de son nouvel employeur, Bryan Leach le président de Polo Ground déclarant enthousiaste « ne pas avoir vu quelqu’un avec un tel état d’esprit et un tel ‘hustle’ depuis Kanye West à ses débuts. »

Quinze jours plus tard sort sa tant attendue première mixtape Live. Love. ASAP rencontre un franc succès critique. Disponible gratuitement sur net, elle n’est cependant pas distribuée par Polo Grounds/RCA.

Au-delà de l’effet d’annonce, beaucoup se demandent alors à quoi correspondent ces fameux trois millions de dollars.

De son propre aveu à aucun moment Rocky n’encaisse une telle somme. Il s’agit du montant total du deal passé, ou plutôt des deals passés : le premier à hauteur de 1,7 millions concerne sa carrière solo, le second à hauteur de 1,3 million se porte sur la création de son label A$AP Worldwide (A$AP Ferg, A$AP Nast, A$AP Twelvyy…) avec Yams en directeur artistique.

Notez que par souci d’indépendance ne sont pas inclues dans l’accord ses mixtapes qui peuvent elles être distribuées via RED Distribution.

« Irréaliste » ? Oui, et pas qu’un peu

Pour mettre en perceptive ce montant, quand 50 Cent a signé avec l’ogre Shady/Aftermath ce fut pour un million, tandis que Drake décida en 2009 de rejoindre Young Money pour deux millions.

Bien que très courtisé au moment de s’engager, Flacko, avec 12 000 followers sur Twitter et seulement une chanson en rotation sur les ondes, ne bénéficie aucunement d’un buzz comparable à celui de ses aînés. Même dans les années 90, aux heures les plus fastes de l’industrie du disque, aucun rookie ne s’est jamais vu proposer ce genre de somme.

En réalité, le chiffre de trois millions est basé uniquement sur les déclarations de Rocky. Si personne ne l’accuse de mentir, ce qui importe vraiment dans ce genre d’affaire, ce sont les détails (presque toujours confidentiels) de l’accord.

À l’image des contrats passés avec les sportifs, les contrats passés avec les musiciens sont soumis à une multitude de clauses qui viennent artificiellement exagérer sa valeur totale. Par exemple, il se peut que Polo Grounds lui accorde un bonus si le rappeur remporte un Grammy awards, ou (plus probable) s’il décroche un disque de platine sur un certain laps de temps donné.

Admettons que ce bonus s’élève à un million de dollars pour une performance inatteignable (genre vendre plus que Thriller), Rocky peut toujours s’enorgueillir d’avoir signé un deal à trois millions, même si dans les faits, il ne s’agit que de deux.

Autre hypothèse : il est possible qu’en échange d’une avance faramineuse le rappeur ait accepté des concessions complètement déraisonnables à long terme (abandon de ses masters, de ses droits de publication, de ses royautés….), faisant ainsi passer ces trois millions pour de la monnaie de singe.

Le cas Chief Keef

Si pour le pretty motherfucker on peut supposer que les choses ne se sont pas trop mal passées (son premier album Long. Live. A$AP s’est classé en tête des charts à sa sortie avant de dépasser la barre du million), difficile d’en dire autant pour Keef.

Après avoir signé un deal à six millions de dollars avec Interscope, le Chicagoan a fini par se faire lourder en n’ayant empoché en tout et pour tout que 440 000 petits dollars d’avance. Une clause stipulait en effet que si son album Finally Rich ne se vendait pas à au moins 250 000 exemplaires, le contrat pouvait être cassé.

Comme quoi, si les hommes peuvent mentir, les chiffres aussi.

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