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Death Row : que sont devenus les gangsters de la Côte Ouest ?

Death Row : que sont devenus les gangsters de la Côte Ouest ?

Les millions, la mort, la prison… leurs destins sont sans pareil !

Death Row. Huit lettres rouges sang dont la simple évocation fascine hier comme aujourd’hui .

Un mythe dont l’âge d’or remonte déjà à un bon quart de siècle, mais un mythe qui demeure une source intarissable d’anecdotes.

Inextricablement liés par cette épopée qui dépasse largement le cadre de la musique, les acteurs qui ont œuvré sur le devant de la scène ou dans les coulisses présentent d’ailleurs tous des biographies sur lesquelles il vaut de s’attarder pour quiconque kiffe le gangstérisme, les sirènes funky et les magouilles.

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Suge Knight, 55 ans

Craint de l’est à l’ouest de l’Amérique tant pour son mètre 96 et ses 136 kilos que pour sa brutalité dans les affaires (intimidations, menaces, racket…), Marion Hugh Knight Jr. voit son règne prendre fin le 7 septembre 1996 à Las Vegas lorsqu’à la sortie d’un combat de Mike Tyson il est filmé par des caméras de surveillance en train de tabasser en réunion un certain Orlando Anderson, l’homme dont tout indique qu’il a tiré sur 2Pac quelques heures plus tard.

L’incident lui vaut neuf ans de prison pour violation de parole (en 1992 il avait agressé deux aspirants rappeurs qui avaient eu l’audace d’utiliser un téléphone sans sa permission).

Libéré en grande pompe en 2001, il entend cependant bien reprendre les choses là où il les avait laissées en relançant Death Row, rebaptisé Tha Row Records, d’une part en capitalisant sur la gloire passée du label (albums posthumes et autres carottes qui compilent des fonds de tiroirs comme Suge Knight Represents: Chronic 2000), et de l’autre en débauchant toute une flopée de nouveaux artistes (l’ex TLC Left Eye rebaptisée N.I.N.A., Crooked I, Petey Pablo…).

Si ces effets d’annonce font illusion quelques temps, l’aventure tourne court, sa réputation calamiteuse n’y étant pas pour rien – et ce d’autant plus qu’à la moindre occasion il replonge dans ses travers (61 jours de placard en 2002 pour violation de parole, 10 mois en 2003 pour avoir frappé une femme vigile…).

Grillé dans le milieu, il ne refait ensuite l’actu que pour ses écarts de conduite (banqueroute, fusillades, bagarres de rue où il se fait mettre KO face caméra…) ou ses déclarations fantaisistes sur la mort de 2Pac.

Dépossédé de la marque Death Row en 2006 suite à sa mise en liquidation judiciaire et son rachat par WIDEawake Entertainment pour 18 millions de dollars, on n’ose imaginer la tête qu’il a tirée quand en 2013 la société multimédia Entertainment One a déboursé 280 millions de dollars pour reprendre les rênes de son bébé…

2015 marque le chapitre final de sa déchéance : mécontent du portrait peu flatteur fait de lui dans le biopic Straight Outta Compton, il se rend sur le tournage au volant de son SUV pour en découdre, écrasant un homme au passage.

Incarcéré depuis, il purge actuellement une peine de 28 ans d’enfermement.

Et histoire de toucher encore un peu plus le fond, sa fiancée et mère de son cinquième enfant a été condamnée en 2018 à trois ans de prison pour l’avoir aidé à réaliser le documentaire Death Row Chronicles en soudoyant d’autres détenus afin d’obtenir des interviews.

Ne reste désormais plus qu’à « l’ancien homme le plus dangereux du monde de la musique » le banger de DaBaby pour se consoler…

Dr. Dre, 55 ans

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Plus geek des studios que gangster des rues, l’ancien Nigger With Attitude (et ancien World Class Wreckin Crew’, un groupe de disco rap) plie bagage en mars 1996, lassé de cette odeur de soufre qui se fait sentir à tous les étages.

Résolu à tourner la page, il revend ses parts à Knight sans rien lui demander d’autre en retour, se marie dans la foulée et fonde un nouveau label, Aftermath, sur lequel il décide proposer une musique qui fait l’économie de traiter à tour de bras ses sœurs de « bitches » et de « hoes ».

Prometteur sur le papier, ce plan de carrière pique du nez après les bides successifs de ses deux premiers projets (la compilation Dr. Dre Presents the Aftermath, le supergroupe The Firm).

À deux doigts d’être définitivement catalogué has been, en 1999 Andre Romelle Young réussit pourtant à se remettre en selle en deux coups de cuillère à pot avec la mise en orbite d’Eminem (le futur plus gros vendeur de disques des années 2000), suivie de la sortie de son second « solo » 2001 qui (re)met tout le monde d’accord – et qui devrait en tout logique finir par décrocher sous peu une certification diamant.

S’ensuit la très sympathique bande originale du film The Wash… puis plus rien ou presque depuis niveau musique.

De l’arlésienne Detox teasée douze ans durant aux signatures toutes plus prestigieuses les unes que les autres sur Aftermath (Rakim, Raekwon, Bishop Lamont…), à quelques exceptions qui confirment la règle (ses compagnonnages avec Kendrick Lamar et Anderson Paak ou son Compton de 2015 que plus personne n’écoute aujourd’hui), tout se termine irrémédiablement en queue de poisson.

Qu’à cela ne tienne puisque qu’entretemps Dre a trouvé son bonheur dans la confection de casques audios hors de prix, un filon qui lui permet de décrocher devant tous les Puffy et Jay Z de la terre le titre de premier milliardaire du hip hop.

Conséquence, peu lui chauffe que Suge Knight l’accuse régulièrement de vouloir le faire tuer. Trop occupé à pousser à la salle Au-dessus de tout ça, en bon notable il se borne à répondre par la voie de ses avocats « n’avoir pas eu la moindre interaction avec lui depuis 1996 » et que si procès il y a, « espérer qu’il a contracté une bonne assurance pour propager de telles allégations ».

Michael Harris, 60 ans

Non Death Row n’a pas été fondé uniquement grâce à l’argent extorqué à Vanilla Ice à la suite d’une soirée où de l’aveu de l’intéressé il aurait « mieux fait de porter une couche ».

Le 1,5 million de dollars nécessaire au lancement du label a en effet été posé sur la table par celui que l’on surnommait Harry O dans les rues de Los Angeles, un dealeur de crack multimillionnaire connecté au cartel de Cali.

Condamné en 1988 à 28 ans de prison pour meurtre et kidnapping, c’est de sa cellule qu’il rentre en contact avec Suge Knight pour lui proposer de produire le disque de sa femme Lydia Robinson.

Une chose en amenant une autre, Harris s’allie à Knight en utilisant Robinson comme prête-nom afin de devenir le partenaire dominant de Godfather Entertainment, la plateforme musique/cinéma/concert qu’il est en train de mettre sur pied avec The D.O.C., Dr. Dre et Dick Griffey.

Fort de ce capital nouveau, Suge parvient à bouter D.O.C. et Griffey hors du deal avant de faire de même avec Harris quand il passe dans son dos un deal de distribution avec Interscope Records pour la branche musique de GFE, Death Row.

Absolument pas mis au courant de cette pirouette, Harry O met plus de trois ans pour découvrir le pot aux roses et menacer fin 1995 le patron du Couloir de la Mort d’une action en justice.

La mort de 2Pac, le départ de Dre et condamnation de Knight qui suivent suspendent temporairement les tractations avant que Lydia Robinson ne réactive l’affaire devant les tribunaux en 2002 et ne se voit allouer 107 millions à titre de dédommagement en 2005.

Spectaculaire sur le papier, cette décision est avant tout symbolique, Knight et Death Row se déclarant en faillite en 2006, tandis que le chèque de WIDEawake Entertainment est immédiatement absorbé par le fisc.

Libérable en 2011, Michael Harris écope d’une nouvelle peine de 19 ans pour des faits datant de ses années folles. Philosophe, il accepte son sort : « J’aurais honte jusqu’à la fin de mes jours d’avoir blessé les autres pour satisfaire mon avidité. Aucune punition sur terre n’équivaut au mal que j’ai causé. »

Détenu modèle selon les rapports, il souffre du syndrome de Guillain-Barré, une maladie qui affaiblit le système immunitaire et musculaire, raison pour laquelle il a demandé une libération anticipée lorsqu’il a appris être atteint du COVID-19 il y a quelques semaines.

Le juge lui a néanmoins opposé une fin de non-recevoir, estimant qu’il devra accomplir sa sentence jusqu’au bout.

Jimmy Iovine, 67 ans

Devant l’origine pour la moins suspecte des fonds et la fébrilité des documents légaux présentés (genre le papier signé par Eazy-E sous la menace de battes de baseball et tuyaux de plomb libérant de toutes obligations envers Ruthless Records Dre, Above The Law, D.O.C. et Michel’le), c’est peu dire qu’en 1992 les maisons de disques ne se montrent pas emballées à l’idée de s’associer avec Suge Knight et Dr. Dre.

Coup de chance, Jimmy Iovine, ancien producteur de rock (Bruce Springsteen, Rod Stewart, U2…) et directeur en chef d’Interscope, la toute nouvelle filiale de Warner, tombe au même moment sur une maquette de The Chronic.

Stupéfait par la qualité du son et hermétique à tout débat d’ordre moral (vingt ans après il refuse d’ailleurs de s’étendre sur le cas Suge Knight), il contacte immédiatement la petite équipe pour lui proposer ses services à la distribution et au marketing.

Non seulement de là Death Row devient à proprement parler Death Row, mais en vertu du bon principe qui veut que le cool des ghettos n’est jamais aussi vendeur que lorsqu’il se combine avec la puissance marketing du monde corporate, ce coup de cœur artistique initie également l’un des binômes les plus florissants de la musique moderne entre lui et Dr. Dre.

Homme de l’ombre de la machine de guerre Shady/Aftermath/G-Unit, Iovine poursuit ensuite son hégémonie sur le rap maintsream en ralliant sous sa bannière l’intégralité ou presque des crews les plus hots de l’époque (Star Trak Entertainment de Pharrell en 2005, Mosley Music Group de Timbaland en 2006, Bad Boy Records et Will.i.am Music Group en 2009, Dreamville Records de J.Cole en 2014…) – sans oublier parmi les plus gros noms de la scène pop comme Lady Gaga, Lana Del Rey, Maroon 5 et Selena Gomez.

Craignant toutefois que le piratage ne réduise comme peau de chagrin ses revenus, il investit en 2006 le marché des casques audios avec la réussite que l’on sait : en 2014 il quitte Interscope pour intégrer quelques mois plus tard le comité de direction d’Apple suite à la revente de Beats pour la modique somme de 3,2 milliards de dollars.

Oui, n’en déplaise à ceux qui se gaussent de ses vestes en cuir criardes et de ses éternels verres fumés, Jimmy Iovine sait surfer comme personne sur les tendances qui rapportent.

David Kenner, 79 ans

L’avocat et consigliere.

Diplômé du barreau en 1986, il défend dans la première partie de sa carrière de nombreux mafieux et criminels endurcis, dont Michael Harris qui le présente à Suge Knight pour parler business.

Réputé proche de ses clients quitte à flirter d’un peu trop près avec les règles de la déontologie, Kenner accepte de devenir son avocat attitré ainsi que le représentent légal du label.

Chaîne du Couloir de la Mort autour du cou (!), il contribue aux acquittements de Snoop, Nate Dogg et 2Pac, non sans réussir l’exploit de garder son boss en liberté malgré ses incartades à répétition.

En 1996, la tentative de corruption de Knight du procureur Lawrence M. Longo en charge du dossier Death Row manque cependant de le mettre sérieusement dans le pétrin.

Désireux de s’attirer les bonnes grâces de Longo, Suge a en effet offert un contrat de chanteuse à sa fille Gina Longo tandis qu’en échange il s’en est allé passer ses vacances d’été dans une villa propriété de sa famille à Malibu.

Officiellement au nom de Kenner, le contrat de location passé lui vaut de faire l’objet d’un mandat d’arrêt pour conflits d’intérêts.

Si l’affaire se tasse ensuite, en 2001 une enquête qui met à jour une déclaration fiscale vielle de 1995 en lien avec la compatibilité équivoque du label le coince : il passe neuf mois en maison d’arrêt, le tout assorti de trois années de mise à l’épreuve.

De retour dans le game aux côtés de Knight quand bien même Death Row n’est plus, David Kenner se distingue dans divers procès hors rap comme la libération de deux Hells Angels accusés de tentatives de meurtre.

Le cheveu grisonnant dans les années 10, il fait son possible pour éviter la perpétuité à son patron en 2015 avant de se faire virer sans ménagement pour sa supposée « incompétence ».

Reggie Wright Jr.

Ancien policier du LAPD reconverti en chef de la sécurité chez Death Row, Dieu sait à quelles basses besognes il s’est attelé si l’on en croit les innombrables rumeurs qui circulent à son sujet (coups de pression à répétition sur les artistes, soupçons de trafic de cocaïne entre les deux côtes…).

Utilisé par Suge comme ses yeux et ses oreilles au sein du label et dans la rue, outre la mise à sa disposition de gang members parfaitement dévoués, Wright est poussé par son patron à recruter un maximum de ses anciens collègues afin de déjouer les enquêtes menées à l’encontre de sa petite entreprise.

Reste que tout son pouvoir et toute son expertise n’empêchent pas l’assassinat de 2Pac.

Ce défaut dans la matrice alimente d’ailleurs la théorie soutenue par le livre Tupac: 187 (2014) et le documentaire Tupac Assassination: Battle For Compton (2017) qui veut que Reggie Wright Jr. soit en réalité responsable de sa disparition.

De mèche avec Sharitha Golden qui à l’époque était mariée à Suge Knight, il aurait tenté de faire tuer le mogul afin de récupérer son empire, à ceci pris que l’embuscade ne s’est pas déroulée comme prévu, l’auteur de California Love ayant pris les balles destinées à son boss.

Si cette théorie penche clairement du côté de la légende urbaine pour peu que l’on examine les faits (non les gardes du corps de ‘Pac et Suge n’ont pas tous été désarmés ce jour-là), elle n’en colle pas moins avec le pédigrée interlope de Wright.

Toujours prompt à dispenser potins et confidences quand un micro lui est tendu (ce qui n’est franchement pas inintéressant), la dernière fois qu’il a fait les gros titres c’est lorsqu’en 2017 il a été arrêté avec son père (lui aussi ancien flic) et vingt autres suspects dans le cadre d’un coup de filet dirigé contre le gang des Grape Street Crips accusé de vente d’héroïne, marijuana et méthamphétamine.

The D.O.C., 52 ans

Tracy Lynn Curry ou l’homme qui a introduit le loup dans la bergerie ce jour de 1989 où il a engagé Suge Knight comme garde du corps.

Rappeur star chez Ruthless Records et membre officieux des N.W.A., D.O.C. est à l’époque au sommet de sa forme, lui qui peut se targuer d’être le seul artiste ever à avoir sorti un album 100% produit par Dr. Dre, le bien nommé Non One Can Do It Better certifié platine.

Malheureusement pour lui, quelques mois plus tard un accident de voiture lui cause un écrasement du larynx et endommage ses cordes vocales.

Très présent à son chevet au cours de sa convalescence, Knight en profite pour se rapprocher d’autres artistes du label qu’il convainc un par un de repartir du bon pied au sein d’une nouvelle structure où ils seront cette fois rémunérés à leur juste valeur.

En toute logique celui que Jerry Heller considère comme « l’un des meilleurs paroliers du hip hop » se reconvertit sur Death Row en ghostwritter à plein temps (Nuthin’ But a ‘G’ Thang, mais pas que) et mentor de luxe (c’est auprès de lui que Snoop s’est fait les crocs), avant de s’apercevoir que le compte n’y est toujours pas question royautés.

En 1994 il quitte ainsi le premier le navire pour déménager à Atlanta, « loin des embrouilles de L.A. », tuant là dans l’œuf l’album commun Helter Skelter de Dr. Dre et Ice Cube sur lequel il avait été recruté pour gratter des textes.

Deux ans plus tard, il tente un comeback avec Helter Skelter (oui il leur a tout bonnement piqué le titre) qui mélange chutes de studio et bidouillages techniques, puis en lançant en 1997 son propre label Silverback Records.

Un temps en froid avec Dre, il scelle leur réconciliation en allant s’asseoir à l’arrière de sa lolo dans le clip de Still D.R.E.. Mieux, en mai 2008 il affirme travailler avec lui sur un nouveau projet commun prévu pour sortir… juste après Detox.

Absent des crédits de Compton même s’il prétend avoir donné un coup de main en coulisse, D.O.C. annonce lors de la campagne de promotion de Straight Outta Compton avoir récupéré sa voix et préparer la sortie prochaine de son quatrième solo.

Michel’le, 49 ans

Choriste sur le morceau Turn Off the Lights du World Class Wreckin’ Cru, « MEESH-uh-lay » Denise Toussant, 16 ans, est repérée par Eazy-E qui tient à ajouter sa voix haute perchée à son roster.

Rapidement en couple avec Dr. Dre, cette native de South Central commence alors à travailler avec lui sur son premier essai éponyme qui à sa sortie frôle la barre des deux millions de copies vendues. L’année suivante naît leur fils Marcel – son premier enfant, le quatrième de Dre.

L’histoire aurait pu ensuite continuer d’être belle, à ceci près que le docteur la bat très régulièrement, quand il ne lui tire pas dessus avec un gun.

Embarquée chez Death Row, Michel’le se fait cependant très discrète (ici le duo Run tha Streets avec 2Pac, là le featuring Let’s Play House avec les Dogg pound) et il faut attendre 1998 pour que son second opus, Hung Jury, arrive enfin dans les bacs dans l’indifférence générale.

Empêtrée dans des problèmes d’addiction, Suge Knight la fait envoyer en cure de désintoxication avant de l’épouser de sa cellule de prison en 1999, puis d’avoir un fils avec elle – ils divorceront en 2005.

Et si vous trouvez la situation un brin louche, sachez que Daz aussi, lui dont Suge se tapait la baby mama lui qui n’a pas hésité à déclarer en toute mauvaise fois qu’elle est la raison principale de la chute de la maison Death Row.

Absente de médias pendant toute la décennie 00, la chanteuse refait parler d’elle en 2013 avec l’émission de télé-réalité R&B Divas: Los Angeles où elle partage l’affiche trois saisons durant avec les revenantes Chante Moore, Kelly Price, Lil Mo et Dawn Robinson.

Purement et simplement mise de côté de Straight Outta Compton, elle se fait entendre quand ressurgi le comportement passé de Dre, au point de l’obliger à annuler sa participation à la campagne de promotion et s’excuser publiquement.

Pas franchement convaincue par sa sincérité, Michel’le revient sur la séquence en 2016 avec le téléfilm Surviving Compton où l’actrice Rhyon Nicole Brown (Empire) lui prête ses traits.

Snoop Doggy Dogg, 48 ans

À n’en point douter l’une des trajectoires les plus improbables de toute l’histoire du rap.

Cauchemar de l’Amérique à ses débuts, l’auteur de Doggystyle incarne alors ce qui se fait de pire aux yeux des ligues de vertus, qu’il s’agisse de ses lyrics anti-flics/anti-femmes, de ses mauvaises fréquentations ou encore de son fameux procès pour complicité de meurtre.

Sauf que bon, Crip perdu chez les Bloods, Snoopy est au quotidien moyennement à l’aise avec cet environnement de tension permanente.

Se sentant en sus floué financièrement par Suge Knight, il émigre en 1996 à la Nouvelle-Orléans pour trouver refuge auprès de Master P et No Limit Records.

Prenant plutôt mal de voir son dernier joyau lui filer entre les doigts (quand bien même Death Row aurait sur ce coup récupéré 4 millions de dollars plus un pourcentage sur ses sorties à venir), Knight multiplie les gestes d’hostilité à son égard (il promet une Mercedes Benz à quiconque lui coupera les cheveux, il sort en guise d’avertissement le subtilement intitulé Dead Man Walking…), tandis que l’ex Doggy lui répond à l’occasion sur disque (Pimp Slapp’d en 2002).

Toujours est-il qu’en parallèle, il se réconcilie avec Dre avec qui il s’était brouillé pour des questions d’ego (malheureusement les deux larrons ne collaboreront jamais plus sur un projet de A à Z) et s’acoquine avec Pharrell Williams avec qui il enchaîne les tubes (Beautiful, Drop It Like It’s Hot, Let’s Get Blown, sans oublier leur très cool album commun Bush en 2015).

De moins en moins sulfureux et de plus en plus maintsream, ‘Uncle Snoop’ glisse gentiment vers le rôle d’amuseur public, le tout sans jamais perdre une opportunité de manger à TOUS les râteliers.

Successivement soutien de la Nation of Islam, rastafari (Reincarnated en 2013) et born again (son album gospel Bible of Love en 2018), il feat aussi bien avec David Guetta, Jamel Debbouze ou Psy (le mec qui chantait Gangnam Style…), refourgue pour la cause bougies, pantoufles et feuilles à rouler, produit du porno, présente des programmes pour enfants et des émissions de cuisine, participe à des combats de catch, se retrouve au générique de films hindous, se fait « Simpsoniser », coache des ados en football américain pour un docu Netflix…

Bref, si vous cherchez la définition du mot éclectique dans le dictionnaire, ne soyez pas étonné de tomber sur sa photo.

Seule boussole au milieu d’un tel bric-à-brac : sa femme Shante Broadus, alias ‘Boss Lady’, rencontrée au lycée et pour qui il a vaincu sa peur des aiguilles pour se faire tatouer son portrait sur le bras droit. Marié en 1997, le couple a eu trois enfants ensemble, avant de renouveler ses vœux dans le plus grand des bonheurs en 2008.

RBX, 52 ans

Convié sur près de la moitié des pistes de The Chronic (Stranded on Death Row, Lyrical Gangbang, The Day the Niggaz Took Over…), RBX doit sa présence sur l’album à un joli alignement des planètes

Tandis que Snoop (son petit cousin) se rend dans le magasin de sport dans lequel il travaille pour acheter une paire de sneakers en vue de tourner le clip de Deep Cover, ce dernier lui demande alors s’il peut ensuite l’emmener en voiture voir Dre en studio.

Sur place, quand le bon Docteur l’entend parler avec son timbre de baryton si caractéristique, il lui lâche dépité : « Ah si seulement tu pouvais rapper avec cette voix… ».

Une fois mis au courant que RBX a plus ou moins déjà un pied dans le rap (il avait même posé sur quelques morceaux chez Ruthless), Dre n’empresse de s’adjoindre ses services.

Serial Killa sur Doggystyle marque néanmoins sa toute dernière apparition sur Death Row.

Jusque-là affilié au label, il refuse de signer le contrat qui lui est soumis, d’autant plus qu’entre lui et Suge l’ambiance n’est pas à la fête.

Cf. cette anecdote contée dans le livre LAbyrinth: The True Story of City of Lies où Knight l’a fait menacer d’un flingue pour une cuisse de poulet frit (!) plutôt que de se battre avec lui (les deux hommes affichent peu ou prou le même gabarit).

En 1995, son premier opus The RBX Files produit en grande majorité par Greg ‘Gregski’ Royal (un collaborateur de Dre sur The Chronic) lui sert ainsi à régler ses comptes avec ses anciens petits camarades notamment via le single A.W.O.L..

L’année d’après RBX s’excuse toutefois auprès de Dr. Dre. Pas rancunier, ce dernier l’embauche sur sa compilation Aftermath où il rappe un solo (Blunt Time) et un feat aux côtés de Nas et KRS-One (East Coast/West Coast Killaz).

Toujours actif dans les années 2000 avec trois albums au compteur et une apparition sur The Marshall Mathers LP d’Eminem, il forme en 2011 le super groupe N’Matez (un clin d’œil à « inmates », le surnom des rappeurs Death Row) avec les potos Daz Dillinger, Kurupt et Lady of Rage.

Si rien n’est sorti depuis, Eric Dwayne Collins a récemment annoncé être de retour en studio pour enregistrer The RBX Files 2.

Nate Dogg, décédé à 41 ans

Et si le crooneur en chef de Death Row était en réalité le plus gangster de toute la bande ?

Enrôlé chez les Marines à 17 ans (spécialiste en munitions, il stationne trois ans durant à Okinawa au Japon), Nathaniel Dwayne Hale peut se targuer d’un casier judiciaire particulièrement achalandé, fort notamment de deux procès pour braquage (un restaurant Taco Bell en 1991, une épicerie Check Changers en 1995).

Jamais timide quand il y a embrouille, on lui doit également d’avoir provoqué la fameuse baston générale entre Death Row et Ruthless sur un green de golf (!) après avoir roulé en voiturette sur le pied de BG Knocc Out, puis cassé la main de son frangin Dresta d’un coup de club (les deux rappeurs en feat sur le brûlot Real Muthaphuckkin G’s d’Eazy-E, Ndlr).

Sinon pour en revenir à la musique, si cet ancien enfant de chœur n’a peut-être ni eu la carrière qu’il méritait en solo (enregistré sur Death Row son double album G-Funk Classics, Vol. 1 & 2 a mis deux ans à arriver dans les bacs, tout cela pour sortir sur un autre label), ni en groupe (en 2003 l’album The Hard Way du trio 213 formé en 1990 avec Snoop et Warren G est passé inaperçu), il peut se consoler en étant mille fois rentré dans la légende grâce à la chaleur de ses refrains.

Dans le désordre, souvenons-nous du très smooth Regulate qui a sauvé Def Jam de la faillite, du très salace Ain’t No Fun qui célèbrait les joies du gang bang, du très suave 21 Questions qui a réussi à faire passer 50 Cent pour un canard, du très rythmé Area Codes qui a établi la cartographie définitive des filles les plus chaudes des USA, du très testostéroné Till I Collapse qui en a poussé plus d’un à refaire une dernière série de pompes avant la douche, et bien entendu du toujours très culte The Next Episode et son cri du cœur « Smoke weeeed every day ».

Victime en 2008 de deux attaques cérébrales qui l’ont laissé paralysé et sous assistance respiratoire, Nate Dogg nous a quitté le 15 mars 2011.

Entendu de manière posthume sur les albums d’Anderson .Paak et Snoop, sa pierre tombale a récemment été changé pour y apposer la punchline « It ain’t a hit until Nate Dogg spit! ».

Ses deux fils qui chacun se sont lancés dans la musique (Lil Nate Dogg avec l’album Son of A G sorti en 2018, Nhale avec Young O.G. cette année) sauront-ils se montrer à la hauteur de ce colossal héritage ?

Danny Boy, 42 ans

Avide de dénicher « un nouveau Michael Jackson », Suge Knight organise en 1993 un grand casting à l’issue duquel il tombe sur Daniel Steward, 15 ans.

Rebaptisé Danny Boy, il bénéficie alors d’un traitement différent des autres de la part du maître des lieux qui en plus de lui enseigner les ficelles du métier et de l’emmener à ses réunions, s’arrange pour devenir son tuteur légal.

Une fois arrivé à maturité, après un premier single intitulé Slip N Slide (avec un Ginuwine inconnu au bataillon au refrain), l’ami Danny pose parmi les refrains les plus mémorables du All Eyez On Me de 2Pac (I Ain’t Mad at Cha, Picture Me Rollin’, Heaven Ain’t Hard 2 Find, What’z Ya Phone #).

[Ça et aussi un paquet de titres produits par DJ Quik et DeVante Swing des Jodeci restés étonnement dans les tiroirs alors qu’ils avaient tout pour cartonner et dont il faut attendre 2010 pour qu’ils soient compilés sur la galette It’s About Time.]

Ce début de dynamique prend malencontreusement fin avec le délitement du label.

L’adolescent a beau clamer « aimer Knight comme un père » cela ne l’empêche pas de se retrouver « fauché », d’autant plus qu’Afeni Shakur, la mère de 2Pac, lui fait également à l’envers en ne lui reversant pas le 1,4 million de dollars qu’il lui réclame pour l’exploitation des duos enregistrés avec son fils.

Laissé à l’abandon à l’incarcération de Knight, il se voit en sus collé une réputation de giton quand est publié en 1998 le livre Have Gun Will Travel dans lequel l’auteur Ronin Ro révèle qu’au tribunal il a éclaté en sanglots à l’énoncé de la sentence.

Reste que si Danny Boy a longtemps nié être homosexuel, en 2016 ce père d’une fille et deux fils effectue son coming out, non sans réfuter tout début de rapport sexuel avec Suge.

[Du coup impossible aujourd’hui de ne pas réécouter un peu différemment certaines de ses paroles à la « I’ll get you sprung if you let me play with your pearl tongue… »]

Très impliqué depuis dans la prévention du suicide chez les jeunes homosexuels, Steward publie en 2017 son autobiographie, Stranded on Death Row.

The Lady of Rage, 52 ans

Là aussi un sacré talent qui a fait les frais de la débâcle post 96.

Propulsée sur le devant de la scène avec son couplet quatre étoiles qui ouvre Doggystyle, Rage confirme ensuite tout son potentiel avec le single Afro Puffs extrait de la BO de Above The Rim.

Tandis que son premier album Necessary Roughness est censé arriver dans la foulée pour capitaliser sur ce buzz, il est repoussé encore et encore au point de ne voir le jour qu’en juin 1997 sans décrocher la moindre certification, une première depuis 1992.

Saoulée, elle quitte Death Row et le rap l’année suivante pour se concentrer sur sa carrière naissante d’actrice.

Sans pour autant concurrencer une Queen Latifa ou prétendre à un Oscar, elle tourne régulièrement, alternant petit et grand écran (un rôle récurrent dans le sitcom The Steve Harvey Show, Next Friday, Thug Life…).

Toujours en contact avec Snoop, elle revient donner de la voix sur ses projets avant d’accepter de rejoindre le tout nouveau label de sa femme, Boss Lady Entertainment, sur lequel elle livre en 2005 le street album From VA 2 LA.

Encore un pied dans le rap dans les années 10, en 2018 elle révèle être atteinte d’une « maladie mystérieuse » qui s’attaque à son système pulmonaire.

Daz et Kurupt des Dogg Pound, 47 ans

À la pointe de la guerre des côtes avec leur clip New York, New York qui en 1995 les met en scène façon Godzilla dans les rues de la Grosse Pomme (un coup de feu sera tiré sur leur caravane en représailles), les deux Long Beach Eastsiders sont les premiers à faire les frais de la réputation exécrable de Death Row quand cette même année leur très attendu Dogg Food sort contre leur gré en indépendant – non sans avoir auparavant vu Dr. Dre et Nas se faire exclure des crédits.

Effrayée par le parfum de scandale qui entoure le label, la Warner, la maison mère d’Interscope, a en effet retiré en quatrième vitesse ses billes de l’aventure.

L’album s’écoule tout de même à plus de deux millions d’exemplaires et intronise Daz (déjà officieusement responsable de la moitié de la tracklist de Doggystyle) producteur en chef une fois Dre parti pour de bon.

Déchaîné sur All Eyez On Me (un peu moins sur Christmas on Death Row, l’album de Noël du crew), il décroche une certification or en 1998 avec son solo Retaliation, Revenge and Get Back.

Propulsé PDG du label à l’incarcération de Suge, il ne peut empêcher le départ de Kurupt, avant de suivre son chemin en 1999 ses masters volés dans la salle des coffres sous le bras.

Ultra productifs chacun de leurs côtés, les deux lascars se retrouvent en 2001 avec Dillinger & Young Gotti qui pour une question de copyright est étiqueté D.P.G. (pour Dogg Pound Gangstaz), tandis que sort sur Death Row la compilation de chutes 2002.

Cette même année, Kurupt choque son monde en acceptant le poste de vice-président de Tha Row, s’attirant là les foudres de tous ses anciens petits camarades, Daz compris, qui tous le bombardent de piques.

En 2006 Cali Iz Active est l’occasion de faire tourner le calumet de la paix, quand bien même ce troisième album ne marque pas particulièrement les esprits.

Toujours ultra productifs chacun de leur côtés, le cousin de Snoop et l’un des trois rappeurs préférés de Kendrick Lamar cumulent une trentaine de skeuds à leurs noms dont pas mal de projets collaboratifs éminemment sympathiques (BlaQKout avec DJ Quik en 2009, Cuzznz avec Snoop Dogg en 2016…).

2Pac, décédé à 25 ans

Saura-t-on jamais avec certitude qui a tué Tupac Amaru Shakur ?

Étant donné que la majorité des protagonistes sont depuis morts par balles, les probabilités sont désormais très faibles, et ce d’autant plus que sur la fin de sa vie le emcee cumulait un nombre incalculable d’ennemis.

De plus en plus paranoïaque et revanchard, l’ambassadeur de la thug life allait même jusqu’à s’en prendre à Dr. Dre (traité de « gay ass », accusé de voler ses productions et dont il a rossé son pote Sam Sneed) et même Snoop qui la toute dernière fois qu’il l’a vu s’est retrouvé par hasard assis à quelques rangs de lui dans un avion et a passé les quatre heures du vol son couteau et sa fourchette dans la main de peur de se faire agresser.

Toujours est-il que derrière cette apparente loyauté sans faille à Suge Knight, conscient de dériver, ‘Pac préparait en toute vraisemblance son départ de Death Row.

Contractuellement libre après avoir livré les trois albums qu’il s’était engagé à enregistrer, amoureux, il avait non seulement refusé de passer par la compagnie de Knight pour trouver des rôles au cinéma, mais il avait en sus monté sa propre société de production, Euthanasia, et comptait fonder son propre label, Makaveli Records.

Du coup de là à affirmer que sa disparition a bien arrangé Death Row qui a ainsi pu mettre la main sur tous ses enregistrements et vendre des pelletées d’album posthumes (sept au total), il n’y a qu’un pas…

Symbole du révolutionnaire sans cause, s’il est compliqué de l’imaginer aujourd’hui cinquantenaire en train de tweeter ou de faire des selfies, gageons qu’après avoir été ravi de voir que l’Amérique était somme toute prête à élire un président noir, il aurait su faire entendre sa voix à une époque où la « po-leece » tue en moyenne un millier de suspects par an.

Bon, en lieu et place on a eu le droit à sa résurrection sous forme d’hologramme à Coachella en 2012 et à un biopic indigne en 2017.

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On aurait pu parler d’eux, mais ce sera peut-être pour une prochaine fois : Dick Griffey qui a beaucoup aidé… Jewell, Sam Sneed, MC Hammer, 2nd II None, Soopafly… les affiliés du crew comme Warren G, les Twinz, Bad Azz (REP) ou Lil Half Dead…

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