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Zed Yun Pavarotti, French Cash et franc-parler [PORTRAIT]

Zed Yun Pavarotti, French Cash et franc-parler [PORTRAIT]

Rencontre avec un artiste qui bosse à l’instinct…

Crédits Photos : Antoine Ott.

Pour les amoureux des cases plus que du rap, il est facile de classer pas mal d’artistes par certains signes distinctifs plus que par autre chose. On pense à un cône de glace en travers de la face, à un visage caché par une cagoule, un masque, ou une casquette, sans oublier le port d’un bandana rouge ou bleu. Malheureusement pour cette caste d’auditeurs qui aime broder autour de l’enveloppe physique de leur rappeur de coeur, on ne parlera ici que très peu du tatouage que Zed Yun Pavarotti arbore sur la joue droite. Non, car si visuellement le bonhomme est capable de laisser une trace précise, sa musique bouscule plus qu’un simple jet d’encre sous la peau. Zed Yun, c’est avant tout un blase comme un aucun autre, une enfance à Saint-Etienne et une musique instinctive. Alors que son projet French Cash est disponible, rencontre avec l’artiste.

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Sainté et l’envie de rapper

D’entrée de jeu, il est important de s’attarder sur Saint-Etienne, pas franchement la terre la plus fertile quand il s’agit de livrer de nouveaux profils au game. Mais qu’importe la quantité, la ville de l’ASSE sait faire dans la qualité. Loin d’être un porte-étendard du coin, Zed Yun Pavarotti est tout de même d’ici, de ce bout d’hexagone ouvrier, coincé entre une voisine bourgeoise, Lyon, et tout un tas de petits bleds.

« C’est vrai qu’il n’y en a pas eu des masses qui ont fait du bruit en dehors de Sainté. C’est la ville où je suis né, l’endroit qui m’a construit, qui m’a fait. Cela reste important pour moi, même si ça a changé. Au début, je me sentais investi d’une mission, car je venais de Saint-Etienne. J’avoue que maintenant, je prends un peu plus de distances avec ça, même si je sais d’où je viens. C’est un climat très très particulier, avec toute la région autour » abonde l’artiste.

Un coin comme forgeur d’une identité, qui peut poser la question de l’inspiration et de la mélancolie présente dans les sons du rappeur : « Pour avoir pas mal voyagé en France, c’est difficile de trouver une autre ville qui ressemble à Saint-Etienne. C’est un sentiment assez bizarre. Vu que ça s’ouvre pas à d’autres villes et que c’est assez paumé, c’est un terreau particulier ».

C’est difficile de trouver une autre ville qui ressemble à Saint-Etienne

Au milieu de tout ça, ce n’est pas le hip hop qui remporte la mise en premier. Après une période métal courte, mais intense, la transition s’effectue vers le rap. Grâce notamment à des groupes qui empruntent des codes au genre tels que Korn, System Of a Down, ou encore Limp Bizkit. 50 Cent et Eminem débarquent ensuite, pour tout balayer. Pour déconner, Zed enfile le rôle d’un modèle lointain, Slim Shady, et l’imite plutôt bien. Il claque alors son premier texte en anglais. Après ce drôle d’essai, la langue de Molières prend la suite.

Une écriture imagée

Jamais collé aux bancs de l’école, le bonhomme prend de l’assurance. Après un moment à s’entraîner côté écriture, il laisse aller son naturel et fonctionne avec sa propre méthode : « Je recherche les mélodies avant de me poser. Si je n’ai rien en tête, ça ne va pas me pousser à écrire. Faut toujours que ce soit instinctif pour que ça colle au maximum. Quand j’écris, ça me prend maximum une heure, si c’est trop long, c’est qu’il y a un truc qui ne va pas, car il faut que ça soit fluide et avoir les images rapidement en tête ». Plusieurs projets naissent, Sextus (2016), Grand zéro (2018) et enfin French Cash (2019).

Si les deux premiers étaient marqués par un style éthéré à souhait, onirique, le dernier vous bouscule par son aspect catchy. En une écoute, la cohérence des ballades rappées et chantées de Zed Yun vous attrapent. Loin des citations à rallonge, des références putassières et autres littératures narcissiques, il fait la différence en abordant les thèmes de la vie avec un naturel qui force le respect. Déconstruisant certains délires, il ne cherche pas la rime à tout prix, s’assurant une spontanéité certaine, comme il explique très simplement « parfois, les phases sonnent mieux comme ça ».

C’est par l’image que la bascule se fait, ses métaphores impactantes ne passant jamais par mille chemins entre des flows qui peuvent être à la fois doux et nerveux. « On n’a pas besoin d’intellectualiser tous les textes. Un morceau qui dure 4 minutes peut durer toute une nuit. Faut laisser de la place à l’imaginaire » précise-t-il.

Le projet n’était pas destiné à être aussi chargé en morceaux sur l’amour

Plus loin, le rappeur qui chante poursuis : « J’ai des textes hyper imagés et j’ai compris que ma force résidait un peu là-dedans. J’aime proposer des images fortes, qui, même si elles n’ont pas forcément de lien entre elles, t’emmènent dans un univers, un cadre particulier. Pour moi, une chanson réussie, c’est quand t’arrives à faire passer des émotions, sans penser au thème précis ».

Un projet cash à souhait

Dans French Cash, on retrouve d’ailleurs un thème comme une sorte de fil rouge, l’amour. Un sentiment universel, imbriqué de manière inopinée dans cet opus : « Le projet n’était pas destiné à être aussi chargé en morceaux sur l’amour, mais j’ai rajouté quelques titres avec ce thème. C’est en lien avec ce que j’ai vécu à une période. Il y a beaucoup d’amour et de désamour dans ce projet ».

Un disque « très différent » de ce qu’il déjà proposé, celui qu’il a mis le plus de temps à sortir, mais grâce auquel il impose une patte bien à lui, sale comme celle de Thomas O’Malley : « J’évolue dans mon truc, dans mon propre décor. J’apporte d’autres codes. Mon pari, c’est un rap qui ne soit dans aucun des deux extrêmes, arriver avec un truc chanté, personnel, mais pas trop sensible. Juste ce que je suis. Au final, je sens que c’est bien perçu. J’ai voulu montrer tout ce que j’aime faire. Si dans trois projets, j’ai envie de poser sur de la techno industrielle, je le ferais… Là, j’ai envie de rester libre. J’ai besoin de ça ».

Une envie de rester libre qui a permis à l’artiste d’intégrer la troupe de La Relève, une mixtape signée Deezer chargée de mettre en avant la nouvelle génération. Une validation pas comme les autres : « Cela m’a fait plaisir, le projet fini est très très bien. Je trouve assez représentatif du rap en globalité. Le choix des artistes est cool, c’est une belle aventure ».

La belle aventure, c’est encore celle qui se présente à un Zed Yun Pavarotti qui a réussi à faire de la musique avec style

La belle aventure, c’est encore celle qui se présente à un Zed Yun Pavarotti qui a réussi à faire de la musique avec style, le tout avec un blase reconnaissable entre mille. Lorsqu’on lui pose la question de ce qu’il pourrait bien s’offrir à lui, il pense à des collaborations à la sauce européenne. Quoi de plus normal chez un mec pour qui les meilleurs toplines de l’univers se trouvent chez Jeannette, la popstar ibérique des seventies ?

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