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Sfera Ebbasta, le plus « Famoso » des rappeurs italiens

Sfera Ebbasta, le plus « Famoso » des rappeurs italiens

La matrice d’une rockstar pas comme les autres à l’occasion de la sortie de son dernier album.

Pour beaucoup, l’Italie rime avec dolce vita, sapes de luxe et autres réjouissances à la fois baroques et raffinées. Cela tombe bien, chez Sfera Ebbasta aussi c’est ainsi. Embrassant son rêve que certains qualifient d’américain, il est aujourd’hui le rappeur italien le plus en vogue à l’international -on l’a notamment entendu chez nous en compagnie de Lacrim et SCH. Ici comme ailleurs, sa singularité fait tiquer à la manière d’une Rolex diamantée qu’on ne pourra jamais s’acheter. Tout un univers assumé dans son dernier album au nom tout trouvé : Famoso. Célèbre en VF, oui, mais comment ?

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La C con la mano è da dove veniamo : Ciny

Pour mieux comprendre comment Sfera est devenu Ebbasta, un retour chronologique est nécessaire. Car si on peut naître riche et célèbre, cela n’a pas était le cas d’un artiste qui a pavé son parcours sur l’idée d’une revanche, sociale notamment. Enfant pas du franchement du genre à rester en place, le rappeur a grandi seul avec sa madre, plus précisément à Cinesello Balsamo. « Ciny » pour les intimes, lieu sacré par le bonhomme dans un clip éponyme paru en 2015. Le début de la gloire, déjà.

Si depuis pas mal de temps en France, le rap déroule dans les charts avec de gros scores et des sorties évènement consacrant des styles hybrides avec en point d’orgue le 5 décembre et les sorties simultanées des albums de Booba, Jul, Nekfeu et Rohff, chez nos voisins transalpins, les époques s’affrontent presque. Comme le note Genono, journaliste rap d’origine italienne, le rap italien compte « deux époques » : « Le rap actuel et celui d’il y a dix ou quinze ans qui ressemble au old school français. C’était un rap difficile à exporter car sans réelle innovation. En termes de format, on avait des morceaux très denses et la langue pouvait encore mal sonner à l’oreille d’un étranger. Aujourd’hui, c’est beaucoup plus espacé, des ad-libs sont là, ça rend quelque chose de beaucoup plus musical. »

un artiste qui a pavé son parcours sur l’idée d’une revanche

Vous l’aurez compris, Sfera a choisi son camp. Dans ses projets XVDR (2015) et Sfera Ebbasta (2016) produits par l’excellent Charlie Charles, l’autotune, les envolées vocales, les airs de guitare sont légion, comme les références à la lean et les sorties introspectives. Des changements « encore plus perceptibles dans le rap italien que dans le rap français. En France, le changement s’est fait en douceur pendant qu’en Italie, les choses ont été plus radicales » d’après Genono. La musicalité est là, renforçant sa place dans l’équipe des modernistes du rap ausonien. Après avoir écouté Eminem, 50 Cent et Rick Ross dans sa jeunesse, le rappeur fait définitivement son trou localement, faisant figure de tête d’affiche au milieu des Dark Polo Gang, Ketama126, et autres Drefgold, Capo Plaza, etc. On vous prévient, ce n’est que le début…

L’ambition comme credo

Mais plus que son style musical, c’est par son envie de réussir que Sfera vise dans le mille. Cadrant ses frappes à chacune de ses sorties, il fait de son ambition une matrice parfaite pour avancer. « A chaque nouvelle sortie, il a une ambition supérieure à celle de son projet précédent. Pour donner des chiffres, Rockstar est quadruple platine. Aujourd’hui, il veut faire encore mieux, chose qu’il peut atteindre. Ce qui fait sa différence, c’est son ambition sans commune mesure avec les autres rappeurs italiens » explique Genono.

Un fait que ne peut que confirmer Coyote Jo Bastard, rappeur parisien proche de l’artiste milanais depuis de nombreuses années. Deux potes qui ont eu le temps de collaborer à de multiples reprises, mais pas seulement, les deux ayant les yeux rivés sur leur évolution mutuelle : « Répondre à des interviews aussi bien en Italie qu’à Paris, faire voyager sa musique, c’est ce qu’il a toujours voulu. C’est pourquoi il respecte les journalistes et ses fans, c’est un artiste qui aime profondément ce qu’il fait. » Ici ambition rime donc avec professionnalisme et non avec une quelconque attitude de diva dans laquelle on aurait tort de tomber à la vue de son bling.

une ambition sans commune mesure avec les autres rappeurs italiens

Coyote Jo Bastard renchérit, évoquant cette façon de faire sous un autre angle : « C’est quelqu’un qui a su rester humble malgré la notoriété. Il est humain et ça paye, ce n’est pas le genre de gars qui se prend la tête. Il n’a rien à prouver, car il est respecté. Chez lui, tout le monde sait qui est Gionata Boschetti (son nom à l’état civil ndlr). Lorsqu’il montre sa réussite, c’est pour t’emmener avec lui, te montrer que tu peux y arriver aussi si tu y crois. C’est un mec qui a travaillé, travaillé et encore travaillé pour en arriver là. Un vrai charbonneur. »

Aussi rock que baroque

En lâchant la bombe Rockstar (2018) Sfera Ebbasta a montré à ses fans son souhait de tout quadriller en convoquant des influences pop et des artistes internationaux (le Migos Quavo, l’allemand Miami Yacine, etc). Une chose qui colle à la langue de Dante selon Coyote : « une langue musicale, qui se complète par exemple avec les vibes Latino de J. Balvin. » Un J. Blavin présent dans son album Famoso, en compagnie d’autres noms plus que précieux : Future, Offset, Lil Mosey, Guè Pequegno, Marracash, 7ARI, Steve Aoki, Diplo… Une transversalité folle entre stars américaines, piliers italiens, étoile montante du Maroc et DJ cultes.

Famoso, un album qui marque un tournant pour son ami rappeur : « Il y a des bangers et des morceaux énervés, mais aussi des sons introspectifs. Il se rend compte de ce qui lui arrive, tout en prenant les choses comme elles viennent. » Pas forcément un mea culpa, mais une façon pour Sfera Ebbasta d’assoir encore plus son personnage, embarquant ses fans et même ses ex avec lui via des morceaux tels que Bottiglie Privè ou Hollywood.

il sait utiliser les armes de la culture italienne pour assumer son personnage

Autre élément qui marque sa réussite plusieurs fois évoquée dans ce papier : son style. Couleurs détonantes, bijoux à tous les étages, c’est sa propre culture qu’il expose en « en faisant plus que les américains eux-mêmes » comme le précise Genono : « C’était assez peu abordé par les rappeurs italiens avant lui car ne correspondait pas à leur mentalité. C’était un rap encore ancré dans les bas fonds, qui parlait aux personnes les plus pauvres. Sfera est vraiment dans l’outrance et sait utiliser les armes de la culture italienne pour assumer son personnage. Quand il a une idée, il y va jusqu’au bout. » La botte ou le pays de Gianni Versace, Guccio Gucci, Mario Prada et Martino Prada, mais aussi Dolce & Gabbana avec qui il avait signé un merch’ en édition limitée.

Sfera Ebbasta, un roi du rap baroque qui fait donc selon ses propres classiques stylistiques et musicaux. Rien de bien étonnant finalement que de le voir en Frank Sinatra sur la cover d’un Famoso flashy, mais jamais vide de sens. Vous savez désormais ce qu’il vous reste à faire, vérifier derrière votre épaule s’il n’y a pas une foule de paparazzis.

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