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Davodka : « Suivre la tendance, ça ne me ressemble pas » [INTERVIEW]

le 6 novembre 2017

Davodka : « Suivre la tendance, ça ne me ressemble pas » [INTERVIEW]

Pour la sortie de son album Accusé de réflexion, Davodka est passé sous les questions de Booska-P pour une interview exclusive. L’occasion de parler de son imperméabilité aux tendances et de la fin de ses addictions… Rassurez-vous, celle au rap reste intacte.

Crédits Photos : Antoine Ott


Dans un rap qui se retrouve bousculé par tout un tas de différents courants, certains restent droits dans leurs bottes. C’est le cas de Davodka, fidèle à lui-même, qui sort son attendu Accusé de réflexion, un album qui fait la part belle aux thèmes chers au bonhomme : les addictions, un monde qui tangue…

Davodka, un pur produit du 18ème arrondissement de Paris qui aura récemment retourné Le Cercle et la toile avec des morceaux incisifs. Interviewé juste avant le tournage de son freestyle Booska Vodka, le rappeur s’est confié à nous, casquette vissée sur le crâne et tête bien sur les épaules. L’occasion d’en savoir un peu plus sur un amoureux des samples, bercé notamment par Chopin.

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Davodka technique dans son freestyle « Booska Vodka » !

A tes débuts, tu étais un rappeur assez secret. On peut dire que c’est moins le cas aujourd’hui ?

J’a lâché la casquette, je suis moins capuché, etc. Je me cache beaucoup moins aujourd’hui. C’est un virus qu’on avait dans mon ancien groupe où tout le monde avait son couvre-chef, un masque ou quelque chose comme ça. Moi c’était donc la casquette ou la capuche. C’est une chose que j’ai gardée en solo pendant des années. Mais là, j’ai commencé à la lâcher, j’assume plus la caméra, j’ai moins peur de l’objectif. Et puis j’assume encore plus ma musique, qui commence d’ailleurs à plus voyager.

Ton message passe mieux, du coup ?

Le rap à la base pour moi c’est un exutoire, mon exutoire. Donc je suis très souvent mélancolique dans mes sons. C’est une partie de moi, c’est comme ça, je ne joue vraiment pas de rôle. De toute façon, je n’en serais pas capable. C’est pas un talent que j’ai (rires) ! Non, mais voilà, je suis naturel, il n’y a pas de différence entre moi et ce que je rappe.

Tu parles de mélancolie, qu’en est-il du thème des addictions, toujours présent dans ta musique ?

Avec le blase que je me trimbale, c’est difficile de faire autrement. J’arrive toujours a rapper là-dessus car ça a marqué une époque chez moi. Comme je le dis souvent dans mes textes, « les plaies laissent des cicatrices ». Du coup, quand je ne rappe plus mes plaies de l’époque, je rappe mes cicatrices. Cela laisse des traces. On dit que le passé, c’est le passé, mais on s’en souvient toujours. Du coup je fais des petits clins d’oeil, il y a toujours des restes et donc des choses à raconter. Comme des choses vécues à l’époque que je vais aborder aujourd’hui parce que j’ai trouvé le moyen de le mettre en forme sur une feuille et sur une instru. Mais oui, la période des addictions, ça s’est arrangé aujourd’hui.

T’es sorti de tout ça, tu livres une sorte de plaidoyer aujourd’hui ?

C’est positif de fou. Quand tu veux construire quelque chose, une famille, etc… C’est mieux. Etre bourré au quotidien, ce n’est pas quelque chose de positif. Moi dans l’addiction, je suis passé par plusieurs étapes. Des périodes vraiment sombres où c’était de l’autodestruction pure et simple, ensuite il y a eu le moment où ça allait un peu mieux. L’addiction ça commence par une, pour passer après à deux, puis dix… Donc on commence par un verre, on finit par vingt. On débute par une clope, on termine avec le paquet. Donc oui, je pense qu’au fil du temps, la maturité a pris le dessus. Pour de bonnes conscéquences.

Ce qui n’a pas changé par contre, c’est ton addiction au rap !

Non, ça, ce n’est pas près de s’en aller. J’ai dit 10 000 fois que je voulais arrêter le rap car on a tous des périodes de doute, où on ne sait pas à quoi ressemblera le prochain épisode. Mais oui, le rap, ça ne partira jamais de moi. Dans mon son Addiction, j’aurais dû en lâcher une pour le rap… Du genre « demain j’arrête, mais c’est du mytho » (rires) ! C’est pas possible, ça revient toujours.

Si je suivais la tendance, je deviendrais un acteur, car ça ne me ressemble pas

Tu es un enfant du sample et face aux nouvelles tendances qui débarquent, comment arrives-tu à garder la même recette ?

Je continue à faire ma sauce, car ce qui se fait en majortié aujourd’hui, ça ne me parle pas vraiment. Je ne suis pas un grand amoureux de l’autotune par exemple, je comprends pourquoi on l’utilise et pourquoi ça marche auprès des jeunes générations, mais je ne me vois pas du tout l’utiliser. Puis de toute façon, si je l’utilise un jour, je l’utiliserai mal. Je préfère rester dans mon délire et faire ce que j’aime. Si je suivais la tendance, je deviendrais un acteur, car ça ne me ressemble pas. Là je suis bien dans mon petit terrier, à faire mon trou, à creuser gentiment. Je fais mon chemin et c’est le principal. Je suis un amoureux du sample, de la musique classique principalement. Je fouille un petit peu partout car le sample c’est comme une chasse au trésor. J’ai été bercé par Chopin.

J’utilise une MPC 2000 XL, un petit bijou que je garde à la maison. Je suis habitué à découper mes samples avec, à choisir mes drums avec, à faire mes prods comme ça. Cela me fait kiffer d’être indépendant, d’être autonome au niveau de la production, car j’arrive à trouver directement la couleur de ce que je recherche au niveau musical. Du coup, une prod peut m’inspirer un texte, ou le contraire. Je trouve que c’est une plus-value d’être beatmaker. Je suis libre de faire ce que je veux.

Mais sur cet album, tu as travaillé avec plusieurs beatmakers, non ?

Oui j’ai fait appel à plusieurs personnes car je me suis dit qu’il ne fallait pas que je tourne en rond non plus. J’ai moi-même composé des prods pour cet album, j’ai pris quelques petits risques sur deux titres. Mais ça reste du Davodka quand même et je les kiffe de ouf, je les assume totalement. Mais oui je me suis dirigé vers des beatmakers comme Itam, Inch, un petit belge de 16 ans qui s’appelle Shadow qui a notamment travaillé sur mon feat avec Demi Portion. Misère Record aussi qui m’a pondu une prod sur-mesure, pour l’intro de mon projet. Je me suis retrouvé dans tout ce truc et puis, si c’était que moi aux prods, on aurait retrouvé les mêmes samples, je n’aurais pas travailler de la même manière. Là, les beatmakers apportent une vraie plus-value. L’album, pour une fois, ce n’est pas moi qui le mixe, ni quelqu’un de mon entourage. Je me suis déplacé en Belgique pour mixer le projet, au Studio Planet de Caballero & JeanJass, histoire d’apporter une nouvelle couleur. C’est une évolution parallèle, sans tout révolutionner. En restant dans ce que je sais faire et ce que j’aime.

J’ai l’impression que le rap, plus c’est réfléchi, plus ça fait peur

Ce qu’on remarque chez toi, c’est ce côté engagé, on le retrouve dans Accusé de réflexion.

Le son dont tu parles, c’est vraiment tout ce qui m’a cassé les couilles dans l’année. En dehors des attentats, j’aborde ici un truc un peu plus français. La lois El Khomri, DSK, l’affaire des Panama Papers… C’est quand même une affaire magnifique, parce qu’on nous casse les couilles alors qu’ils se font des millions sur nos petits salaires. C’est franchement génial, j’ai envie de leur donner dix balles pour qu’ils se rachètent un peu de dignité (rires). J’ai l’impression que le rap, plus c’est réfléchi, plus ça fait peur. On est sur une période où les gens aiment plus s’enjailler que réfléchir, même si, peut-être, c’est juste que je m’en apercevais moins à l’époque. J’ai ce besoin de cracher tout ce qui me saoule, par le biais de l’actualité et malheureusement, ce n’est pas terminé. C’est pour ça que je ne suis pas près d’arrêter d’écrire non plus. Malheureusement, ça nourrit des sons. Pour les attentats par exemple, j’avais fait le Couteau dans la paix.

Dans ce son justement, tu attaques les failles de l’être humain plus que la société en elle-même…

Il sent le mysantrope ce son-là. Disons que je répartis un peu les tâches, ça ne peut pas être la faute que d’une seule personne. Là je m’en prends à tout le monde, chacun en prend pour son grade. C’était un morceau dur, gratté juste après les attentats de Charlie et j’ai monté le clip après les attaques du 13 novembre. Il a beaucoup tourné, beaucoup fait parler. Il y a des chances qu’il ait une suite.

Tu n’as pas peur de l’étiquette rappeur conscient ?

On fait de la musique aussi, au final, on n’est pas des politiques. Chacun a un avi dans ses textes, et il y aura toujours des gens qui seront d’accord ou pas. C’est vrai que se placer dans une case comme celle-ci, c’est se limiter. Moi, j’aime bien faire de l’egotrip aussi, sans qu’il y ait véritablement de fond, où je vais plus miser sur la forme. Dans ce style, j’avais balancé Mise à flow, avec un clip totalement déjanté sur des planètes, avec que du gros débit. Et ça fait du bien aussi ! Il ne faut pas se sentir enfermé et se donner de quoi respirer. Moi je suis pour faire tout ce qui me plaît, ça me suffit largement ! Il ne faut pas faire pour plaire, déjà c’est bourbier comme réflexion. Je pense qu’à un moment, être un pantin qui fait des trucs pour plaire… Peut-être que pour certaines personnes, la notoriété suffit largement, mais moi j’aime juste être fier de ce que je fais. Avec ou sans notoriété, je suis fier de mes CD’s sur mon étagère, je sais que j’ai trimé pour en arriver là. Je sais combien de temps j’ai passé sur chacun d’eux, ce sont des trophées pour moi.

quand tu payes ton kebab 13 euros en Suisse, t’as vite envie de retourner chez toi

Enfin, tu disais que ta musique voyageait plus aujourd’hui… Alors, comment on reçoit le 18ème en Belgique ou en Suisse ?

Franchement, c’était magique. Les suisses sont magiques, les Belges aussi. Ce sont des fous. Pour ma première scène à Paris par exemple, au Nouveau Casino, je trouvais que les Français hochaient la tête. Ils sont très comme ça, à bouger la tête. Mais alors les Suisses… T’as des verres qui volent en l’air, ça tape sur la scène, ça bouge de tous les côtés, ça pogote comme dans les concerts de punk. Franchement c’était magnifique. Même si c’est bizarre, on ne vit pas dans le même pays, on a les mêmes problèmes mais différemment, on se comprend quand même au final. Cela veut dire que le message passe. Bon en même temps on est voisin, donc c’est plus facile… Après bon, quand tu payes ton kebab 13 euros en Suisse, t’as vite envie de retourner chez toi (rires) !

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